Faisons d’Amiens une capitale européenne !

Aurélien Caron, d’Amiens (Somme),  alors que l’on vient de fêter ce 9 mai, la Journée de l’Europe et le 75e anniversaire de la déclaration de Robert Schuman sur l’avenir de l’Europe (9 mai 1950), propose qu’Amiens devienne une commune «plus européenne».

« L’Europe ça sert à quoi ? Ça doit servir à ne se laisser dominer ni par les Américains ni par les Russes. (…) L’Europe, c’est le moyen pour la France de redevenir ce qu’elle a cessé d’être depuis Waterloo : la première du monde » disait le général de Gaulle dans des propos rapportés par son biographe l’historien Julian Jackson (De Gaulle, Une certaine idée de la France, 2019).

En cette année 2025, nous célébrons le 75e anniversaire de la célèbre déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 qui posa les fondements de la construction politique européenne avec la création de la communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Si, comme l’affirmait Jean Monnet dans ses Mémoires (1976) : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », force est de constater que depuis des années l’Union européenne souffre d’un désamour de la part des Français et des Européens.

Europe « prison des nations et des peuples », Europe « idiote utile de la mondialisation » dirigée par des « Talibans du marché », Europe technocratique « machine à fabriquer des normes inutiles », Europe « colombe aux pays des faucons » incapable de défendre ses intérêts stratégiques, les critiques fusent. C’est oublier que l’Union européenne est aussi capable du meilleur : la paix durable entre des peuples voisins, jadis ennemis perpétuels, le développement économique grâce à des champions européens comme Airbus et à la monnaie unique, la défense de nos valeurs démocratiques et humanistes dans un monde où de nouveaux empires autoritaires ressurgissent.

À L’heure des prédateurs, pour paraphraser le titre du dernier livre de l’écrivain Giuliano da Empoli, l’Europe doit renouer avec le projet initial de ses fondateurs de devenir la première puissance mondiale dans tous les domaines. Elle doit sortir de la naïveté et entendre la puissance au sens que lui donne le philosophe Raymond Aron comme étant « la capacité d’une unité politique à imposer sa volonté aux autres unités » (Paix et guerre entre les nations, 1962).

Mais que faire à notre niveau ? me direz-vous. Tout cela est tellement lointain, tellement abstrait, tellement grand. Rien n’est plus faux puisque la force d’un projet politique réside dans ses communes. La IIIe République l’avait bien compris lorsqu’elle investit à ses débuts des sommes considérables dans les écoles républicaines.

Commençons donc par Amiens. Depuis quelques années, le Mouvement européen – France décerne aux communes de notre pays le label « Ville européenne », quelle que soit leur taille. Il s’agit d’un label citoyen et transpartisan qui incite les responsables politiques locaux à mettre en place des actions concrètes de proximité pour faire de leur ville une commune plus européenne. Le label présente plusieurs niveaux de 1 à 5, il s’agit d’actions très faciles à mettre en place comme la présence systématique du drapeau européen dans tous les bâtiments communaux ou d’initiatives plus ambitieuses comme le jumelage de toutes les écoles de la ville ou le développement de classes bilingues ou encore d’écoles européennes. Il permet de mettre en place un programme d’actions pluriannuel et de progresser. Des villes comme Lyon, Nice ou encore Reims l’ont déjà obtenu, alors pourquoi pas nous ?

Après tout, notre ville d’Amiens a déjà été une capitale européenne à de nombreuses reprises dans son Histoire : capitale au temps préhistorique puisque la période dite de l’Acheuléen doit son nom au site de notre quartier Saint-Acheul, capitale du commerce de draps et du pastel des teinturiers (la fameuse waide) au Moyen-Âge, capitale de la paix européenne (même très provisoire) au moment de la signature de la paix d’Amiens signée le 25 mars 1802, capitale de la reconstruction avec notre Tour Perret, premier gratte-ciel de France et qui fut un temps le plus haut gratte-ciel d’Europe de l’Ouest, capitale européenne de la jeunesse plus récemment en 2020. Les exemples sont nombreux et inspirants !

C’est cette ambition européenne que nous devons avoir pour l’avenir de notre ville sans oublier la formule de Raymond Aron dans son discours aux étudiants allemands en 1952 : « L’Union européenne, ce n’est pas le thème pour l’enthousiasme d’un jour, c’est le terme final de l’effort qui donne un sens à une vie ou fixe un objectif à une génération. »

Article publié dans le Courrier Picard du 9 mai 2025 (https://www.courrier-picard.fr/id629342/article/2025-05-09/faisons-damiens-une-capitale-europeenne)