Aurélien Caron, d’Amiens (Somme), s’alarme des conséquences de la dernière réforme du bac :
Les notes des épreuves de spécialité du nouveau baccalauréat ont été rendues disponibles ce 12 avril. Cette arrivée si précoce des résultats du bac est symptomatique des lacunes d’une réforme qui contribue à creuser les inégalités entre les élèves et à fragiliser l’école républicaine.
Alors que la « reconquête du mois de juin » est depuis de nombreuses années le mot d’ordre de nos ministres de l’Éducation nationale successifs, la réforme du bac de Jean-Michel Blanquer démobilise nos lycéens qui ont l’impression d’être en vacances d’été dès le début du printemps. Ce sont les professeurs et les chefs d’établissement qui le disent. Dans certains lycées, un quart des élèves ne vient plus en cours ! On peut le comprendre.
Les épreuves finales du bac ne comptent plus que pour 60 % de la note globale avec seulement quatre épreuves au programme en classe de terminale : les deux épreuves de spécialité dès le mois de mars, la philosophie et le Grand oral au mois de juin. Pour les 40 % restants, il s’agit d’un simple contrôle continu. Fin mars, les jeux sont déjà quasiment faits.
Le baccalauréat est devenu un nouveau brevet des collèges. Il ne vaut aujourd’hui plus grand-chose.
Cette démobilisation est l’arbre qui cache la forêt. La réforme a été faite pour de mauvaises raisons. Les filières littéraire (L), scientifique (S) et économique et sociale (ES) ont été remplacées par des « parcours choisis par chaque lycéen en fonction de ses goûts et de ses ambitions ». Mais l’uniformité des anciennes filières protégeait les élèves les moins informés et les moins bien conseillés.
On accusait aussi l’ancien bac de compter trop d’épreuves et d’être compliqué à organiser. C’était au contraire une chance pour les jeunes de pouvoir bénéficier de nombreux enseignements pour découvrir ceux qui leur plaisaient le plus. Derrière l’argument du libre choix des élèves se cachait en réalité une volonté de réduire les budgets.
Tout cela ne pénalise pas les élèves les plus favorisés. Comme l’écrit à juste titre la philosophe Dominique Schnapper dans son ouvrage « Qu’est-ce que la citoyenneté ? » (2000) : « Un système d’enseignement peu structuré et peu exigeant favorise les enfants des classes déjà favorisées qui bénéficient d’une socialisation familiale d’un niveau culturel élevé ». Dans le maquis actuel, ils s’en sortiront toujours ! Ce sont celles et ceux qui pourront s’offrir des conseils de « coachs » de l’orientation sur Parcoursup dont l’activité est aujourd’hui florissante.
Il est pourtant nécessaire de refaire du baccalauréat un véritable examen national exigeant et méritocratique : renforcer considérablement le tronc commun, mettre fin au contrôle continu, replacer les examens finaux fin juin, abandonner le mirage de l’objectif d’un baccalauréat obtenu par 100 % d’une classe d’âge, travailler à l’orientation dès la 6e.
C’est à cette condition que nous mettrons fin à une réalité scandaleuse. Il faut aujourd’hui six générations (180 ans !) pour qu’un enfant français issu d’une famille modeste arrive, devenu adulte, à bénéficier d’un revenu dans la moyenne nationale. Le bon fonctionnement de l’ascenseur social est une promesse républicaine fondamentale que seule une école exigeante peut nous permettre de tenir !