Aurélien Caron, d’Amiens (Somme), réagit après les réquisitions ou condamnations, à l’encontre de Marine Le Pen ou de Stéphane Haussoulier, sur la question de l’exemplarité nécessaire des politiques. Et suggère quelques pistes de réflexion.
« Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait Jean de la Fontaine en guise de morale de sa fable Les animaux malades de la peste (1678). Si ce texte exceptionnel de notre célèbre moraliste suggère que la justice favoriserait les puissants au détriment des faibles, dans notre démocratie, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 prévoit que la loi « est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Les élus de la République ne font pas exception à cette règle.
Les affaires judiciaires en cours au niveau national et au niveau local nous montrent les limites de notre système et beaucoup d’entre nous pourraient penser que la « peste » de la corruption a gagné une majorité d’élus, alors qu’il n’en est rien ! Ces « affaires », du scandale des décorations de 1887 qui poussa à la démission le président de la République Jules Grévy aux affaires Cahuzac en 2012/2013 ou Fillon en 2017 font beaucoup de mal à notre démocratie car elles portent atteinte à la confiance qui doit nécessairement exister entre représentants et représentés.
Fort heureusement, beaucoup de scandales font progresser l’état du droit. C’est ainsi que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a été créée et les lois pour la transparence de la vie publique votées en réaction à l’affaire Cahuzac pour imposer à nos élus des déclarations de patrimoine et d’intérêts qui sont ensuite rendues publiques.
Pour les élus contre lesquels une procédure judiciaire est engagée, la présomption d’innocence doit s’appliquer avec rigueur, comme pour tout citoyen. Néanmoins, leur fonction impose aussi un devoir d’exemplarité supplémentaire à l’égard des citoyens qui leur ont accordé leur confiance.
Que faire lorsque des élus sont poursuivis ou condamnés ? Peuvent-ils poursuivre leurs mandats ? Chez beaucoup de nos voisins, en particulier du Nord de l’Europe, les élus démissionnent d’eux-mêmes. C’est ainsi que plusieurs ministres allemands ont démissionné pour de simples soupçons de plagiat, sans aucune condamnation, concernant leurs thèses. Une ministre suédoise s’est déjà retirée parce qu’elle s’était trompée de carte bancaire en faisant ses courses. Mais les élus souhaitent parfois se maintenir coûte que coûte en dépit du bon sens. Quelle légitimité pour expliquer aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) qu’il faut trouver du travail lorsque l’on n’est pas soi-même irréprochable ?
Il s’agit souvent de ceux que l’on pourrait appeler les « alimentaires » de la politique, qui font de la politique un gagne-pain alors qu’elle doit rester une vocation et un engagement au service de l’intérêt général. Ces « alimentaires » qui sont généralement inemployables dans le secteur public comme dans le secteur privé s’accrochent à leurs mandats comme la moule à son rocher. Il faut relire le président du Conseil André Tardieu, qui écrivait à leur sujet dans son ouvrage La profession parlementaire (1937) que : « le pire crétin impressionne la foule quand La Marseillaise salue son arrivée ». Si certains élus estiment que leurs indemnités sont trop faibles au regard de leurs immenses mérites ou de leurs très grands talents, personne ne les retient…
Plutôt que de critiquer l’État qui tente de réduire les déficits publics, inspirons-nous de lui et introduisons dans notre droit la possibilité d’une motion de censure concernant les exécutifs des collectivités territoriales qui ont perdu la confiance de leur majorité. Mettons en place un statut juridique de la mise en retrait permettant à l’élu poursuivi de se concentrer sur sa défense le temps de son procès.
D’ici-là, la solution du problème est politique, la démission collective des membres de l’exécutif constitue une solution efficace pour protéger l’intérêt général et chacun doit prendre ses responsabilités. Qu’il paraît lointain et presque irréel le temps où le général de Gaulle, alors président de la République, réglait lui-même sur sa caisse personnelle ses factures de gaz et d’électricité à l’Élysée !
Article publié dans le Courrier Picard le mercredi 4 décembre 2024 (https://www.courrier-picard.fr/id584556/article/2024-12-04/de-la-probite-et-de-lexemplarite-en-politique)