Hommage à nos professeurs

Aurélien Caron, d’Amiens (Somme) , estime qu’il est nécessaire de plus valoriser et revaloriser les enseignants :

« Quand j’ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. » C’est ainsi qu’Albert Camus rendait hommage à son ancien instituteur, Louis Germain, juste après avoir reçu le prix Nobel de littérature 1957 dans une lettre restée célèbre du 19 novembre de la même année.

Ce sentiment de reconnaissance envers nos professeurs, nous l’avons toutes et tous en nous, eux qui assument la mission primordiale de former les nouvelles générations de citoyennes et de citoyens.

C’est la raison pour laquelle la récente annonce par le gouvernement de l’augmentation des indemnités versées aux enseignants à la rentrée de septembre 2023 représente un pas dans la bonne direction. Cependant, il reste encore tant à faire et les chiffres sont éclairants !

Les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire nettement inférieur à la moyenne de leurs collègues de l’Union européenne. Ils subissent depuis des années l’érosion importante de leur pouvoir d’achat. Le salaire, en début de carrière, d’un professeur des écoles représentait, à titre d’exemple, 1,8 fois le SMIC en 1990, il n’était plus que de 1,5 fois ce SMIC en 2020.

Cette situation alimente une grave crise des vocations. Le nombre de candidats aux concours de l’enseignement du second degré est passé de 50 000 en 2008 à 30 000 en 2020, soit une diminution de plus de 30 % en moins de quinze années. La conséquence est un recours de plus en plus important aux professeurs contractuels qui sont jetés devant les classes avec une formation presque inexistante.

Plus préoccupant encore, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), entre 6 et 7 % seulement des enseignant français se sentent valorisés par la société, en particulier par nos responsables politiques.

Sous la IIIe République, c’est le président du Conseil en personne, Jules Ferry, qui écrivait directement dans sa lettre du 27 novembre 1883 à celles et ceux qui allaient devenir les « hussards noirs de la République » l’importance que la représentation nationale attachait à leur rôle : « Ce sera dans l’histoire l’honneur particulier pour notre corps enseignant d’avoir mérité d’inspirer aux Chambres françaises cette opinion qu’il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l’influence ne peut manquer, en quelque sorte, d’élever autour d’elle le niveau des mœurs ».

Cette affirmation est encore valable aujourd’hui, elle doit redevenir un véritable projet politique. La crise des vocations ne pourra pas être résolue par un simple effort de court terme et quelques augmentations ponctuelles de primes.

Elle doit passer par des investissements significatifs dans la rémunération de nos enseignants et par l’amélioration de leur formation initiale (qui satisfait aujourd’hui moins d’un enseignant sur deux) mais aussi de leur formation continue et de leurs perspectives de carrière. C’est à cette condition que nous leur rendrons collectivement, à la manière d’Albert Camus, l’hommage qu’ils méritent.

Article publié dans le Courrier Picard le 9 Mai 2023 à 18h38. Lien vers l’article : https://www.courrier-picard.fr/id412208/article/2023-05-09/hommage-nos-professeurs