Liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution, une étape essentielle mais pas un aboutissement !

Liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution, une étape essentielle mais pas un aboutissement !

Aurélien Caron, d’Amiens (Somme), fait un petit historique rappelant l’importance de l’inscription de l’IVG dans la constitution.

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse », par cette phrase ajoutée à l’article 34 de notre Constitution, les parlementaires français réunis en Congrès à Versailles le lundi 4 mars ont décidé de donner une valeur constitutionnelle à la liberté garantie à chaque femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG).

Cette révision constitutionnelle s’explique d’abord par le contexte international. Par une décision du 24 juin 2022, la Cour suprême américaine a estimé que le droit à l’avortement n’était plus garanti au niveau fédéral et que le pouvoir de l’autoriser ou non revenait aux États fédérés. En seulement quelques semaines, l’avortement a été interdit, même en cas d’inceste ou de viol, dans sept États américains et fortement limité dans six autres ! Dans notre pays, comme le gouvernement l’a lui-même reconnu : « Cette liberté n’est pas aujourd’hui directement menacée ou remise en cause, hormis par quelques courants de l’opinion heureusement très minoritaires ».

Depuis l’adoption de la loi du 17 janvier 1975 portée avec courage par Simone Veil qui a dépénalisé l’IVG, la liberté d’y recourir n’a cessé de progresser en France : allongements des délais pour la pratiquer (il est passé de 12 à 14 semaines en 2022), amélioration de sa prise en charge financière (remboursement à 100 % depuis 2013), etc.

Le Conseil constitutionnel n’a jamais reconnu un droit constitutionnel à l’avortement. Toutefois, depuis 2001, il considère que la liberté d’avorter constitue une composante de la liberté personnelle de la femme. Il était donc très improbable qu’il juge conforme à notre Constitution une loi mettant fin à la liberté de recourir à l’IVG. Néanmoins, la reconnaissance constitutionnelle de l’IVG est une étape essentielle !

La France est le premier pays d’Europe à le faire et il sera très difficile, à l’avenir, de priver les femmes de cette liberté fondamentale, quelle que soit la majorité politique au pouvoir ! Il nous faut maintenant aller de l’avant car cette révision constitutionnelle n’est pas un aboutissement. Comme l’explique Hazal Atay, docteure en science politique : « Il est (…) important d’avoir conscience que la loi seule ne garantit pas l’accès à l’avortement ». Si la liberté d’y recourir figure à présent dans notre Constitution, l’accès concret à l’IVG souffre encore de graves limites. Les infrastructures ne sont pas à la hauteur des besoins dans certains départements. Cela a pour conséquence de longs trajets pour les femmes et l’allongement des délais de consultation.

17 % des IVG pratiquées le sont hors du département où habitent les patientes et le planning familial estime que, depuis quinze ans, 130 centres d’IVG ont fermé leurs portes alors que la dernière campagne d’information nationale d’ampleur sur ce sujet essentiel remonte à plus de dix ans ! Une garantie de l’accès concret pour toutes à l’IVG par une politique ambitieuse de santé publique doit mettre fin à l’injustice qui perdure en fonction des territoires. Comme le disait Simone Veil devant l’Assemblée nationale le 26 novembre 1974 : « C’est cette injustice qu’il convient de faire cesser ».

Article publié dans le Courrier Picard le 10 Mars 2024. Lien vers l’article : https://www.courrier-picard.fr/id502105/article/2024-03-10/liberte-de-recourir-livg-dans-la-constitution-une-etape-essentielle-mais-pas-un