Pour une nouvelle loi immigration

Aurélien Caron, d’Amiens (Somme), partage l’avis du gouvernement, en tout cas de Bruno Retailleau, sur la nécessité d’une nouvelle loi immigration. De quoi ouvrir le débat.

« Le type de problème auquel nous aurons à faire face se déplace de celui de l’immigration vers celui de l’invasion », cette phrase n’est pas d’un défenseur de la théorie du grand remplacement mais du Président Valery Giscard d’Estaing dans un article qui a fait polémique, intitulé « Immigration ou invasion ? » et publié le 21 septembre 1991 dans Le Figaro magazine. La question de la politique migratoire se résume trop souvent à un dialogue de sourds entre les « immigrationnistes » qui défendent l’ouverture complète de nos frontières et les régularisations massives et les « identitaristes » qui souhaitent une « immigration zéro » et qui oublient que la France a toujours eu la capacité à intégrer, dans son intérêt, des populations immigrées dans le creuset des valeurs de la République.

Le vote d’une nouvelle loi pour mieux maîtriser l’immigration souhaitée par le gouvernement de Michel Barnier est indispensable. Elle se justifie d’abord par des considérations humanitaires. Depuis le début de l’année 2024, 54 personnes sont mortes dans la Manche en essayant de rejoindre l’Angleterre. Plus de 30 000 personnes migrantes sont mortes en Méditerranée au cours des dix dernières années. Cette situation est inacceptable. Il s’agit aussi de la nécessaire maîtrise de nos frontières qui est une condition essentielle pour garantir notre souveraineté. Avec plus de 385 000 entrées irrégulières en 2023, les frontières extérieures de l’Union européenne ne sont pas tenues. Il en va de même en France où le nombre d’étrangers en situation irrégulière est estimé entre 500 000 et un million de personnes, soit l’équivalent d’une ville comme Marseille.

Enfin, il s’agit d’une question de sécurité puisque seulement 7 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont réellement exécutées. Cette faiblesse conduit à des situations scandaleuses : des clandestins commettent des crimes et des délits sur notre territoire alors qu’ils auraient dû en être expulsés depuis bien longtemps, un véritable bras d’honneur fait à l’État de droit ! Ajoutons à cela le fait que la question migratoire est encore devant nous du fait des dynamiques démographiques.

Face à ces réalités et à des capacités d’intégration de plus en plus limitées en raison de la crise de nos finances publiques, le législateur doit prendre ses responsabilités alors que 76 % des Français sont favorables à une nouvelle loi pour faire évoluer l’état du droit. Il faut d’abord réduire les flux migratoires en mettant en place des quotas annuels par catégorie d’immigration votés par le Parlement (étudiants, travailleurs, etc.). Il est ensuite nécessaire de faciliter les expulsions et d’aligner les conditions de prise en charge des étrangers en France sur celles de nos voisins européens ce qui passe par une transformation de l’aide médicale d’État en aide médicale d’urgence et une conditionnalité du versement des aides sociales à une durée minimale de présence régulière sur le territoire français. Le droit de la nationalité devrait aussi être réformé en durcissant les critères d’intégration et d’assimilation des valeurs de la République, y compris pour le bénéfice du regroupement familial.

La plupart de ces réformes figuraient déjà dans la loi immigration votée par le Parlement en décembre 2023. Le Gouvernement devrait les reprendre, le Conseil constitutionnel ne les ayant pas censurées sur le fond mais sur une question de procédure. Ce remplacement d’une immigration subie par une immigration choisie et consentie par le peuple français est essentiel pour éviter l’accès au pouvoir des identitaires d’extrême droite. Cette politique de fermeté devrait faire l’objet d’un consensus national ce qui est le cas au Danemark où les partis de gauche s’y sont ralliés, ce qui a contribué au succès électoral de la social-démocratie. Comme l’écrit Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dans son ouvrage Ce grand dérangement L’immigration en face (2023) : « l’accélération des flux est préjudiciable aux plus démunis et aux salariés les plus faibles, les moins qualifiés ». En leur temps, Jean Jaurès et Georges Marchais l’avaient bien compris en défendant l’idée d’un « socialisme douanier ». La gauche française gagnerait à s’en souvenir.

Article publié dans le Courrier Picard du dimanche 03/11/2024 (https://www.courrier-picard.fr/id574175/article/2024-11-01/pour-une-nouvelle-loi-immigration)
Version longue publiée sur le site de L’Opinion le 8 novembre 2024 (https://www.lopinion.fr/politique/pourquoi-une-nouvelle-loi-immigration-est-indispensable-par-aurelien-caron)